Quatrième ouvrage de l’auteur montargois Sylvain Gillet, « Les enquêtes improbables de Mulford Sploodge », paru aux éditions Ramsay, offre un cocktail détonnant et déconnant d’absurdité maitrisée qui confine à la clairvoyance sociétale. On en redemande, histoire d’en priver les autres, pour notre bonheur et leur confort mental.
Par Jean-Luc Bouland
Né très près d’une cave champenoise, Sylvain Gillet en a gardé depuis le berceau un humour pétillant dont il n’a pu se débarrasser en s’installant dans le Montargois. Certains laudateurs de cet écrivain aux multiples talents, fricotant régulièrement avec les activités intérimaires de comédien, scénariste, réalisateur et bouffon assermenté, assurent même que ses cures assidues de pralines ne serviraient qu’à alimenter son insatiable verve littéraire. Ainsi, après un premier roman paru en 2015 chez Thot, et deux autres aussi délirants en 2020 et 2022 chez Ramsay, il récidive en ce mois d’octobre 2024 chez le même éditeur pour un 4ᵉ opus pas piqué des hannetons, même si des médisants mal informés susurrent au bord du Loing qu’il s’est surtout piqué la ruche pour en concocter les 33 nouvelles qui s’étalent à loisir sur les 280 pages de l’ouvrage.
Il suffit pourtant de lire la quatrième de couverture de cet OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) pour comprendre que l’aventure livresque qui s’annonce ne nous laissera pas indifférents, ce que devraient confirmer ce dimanche 13 octobre les visiteurs du salon du livre de Sully-sur-Loire. « Non-sens, jeux de mots, loufoqueries, provocations, situations abracadabrantesques, délires, gauloiseries, burlesques » sont au rendez-vous à toutes les pages, au détour de chaque phrase, et même entre les mots. À croire qu’il a eu comme parrains dans une autre vie les inénarrables détectives privés (de moyens) Black & White, enfants protéiformes du duo Pierre Dac et Francis Blanche, ce qui l’aurait rendu furax.
Les enquêtes improbables de Mulford Sploodge, détective autant privé d’intelligence que d’empathie, exécrable jusqu’à l’outrance, nous laisserait même douter qu’elles soient réellement l’œuvre de Sylvain Gillet, celui-ci étant un auteur naturellement gentil, adulé de nombre des sommités des arts et lettres, et même de ses voisins, de l’avis de tous, et surtout de ceux qu’il impressionne. Serait-il paranoïaque ? Pas trop, quoique. « Je trouve tout de même fort suspect le fait que chaque année mon anniversaire tombe exactement le même jour que ma date de naissance. Avouez que c’est curieux », s’inquiète son héros (p124), qui n’a de ressemblance avec ceux de Dashiell Hammett que de très loin. Et si vous l’asticotez trop, ce qui n’étonnera pas ses proches, il risque de se prendre pour Zébulon et vous enchanter en sautant sur place sans s’arrêter, rien que pour rajouter des rebondissements à ses histoires (p188), qui n’en sont pas toujours.
L’éditeur vous aura prévenu, avec l’assentiment de l’auteur. Ne lisez pas plus de deux nouvelles de suite, sinon vous risquez une méningite, voire un décès par crise de rire suffocante. Entre la millième résolution d’enquête et le miroir de l’inconnu, la confrontation avec l’apprenti assassin et l’abracadabrantesque odyssée dans l’espace du héros, tout est vraiment parodique à souhait, quitte parfois à tourner en eau de boudin. Mais si ce sont ceux de la charcuterie Crémieux, son sponsor anonyme, tout sera pour le mieux, et pour le plus grand bien de vos neurones et de vos zygomatiques. Car comme dit la secrétaire de Mulford Sploodge, « c’est un menteur, un escroc, un prétentieux, un dépravé, un inculte ». Tout le portrait du double malfaisant de son auteur qui, lui, gagne vraiment à être connu. Et reconnu.
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